Plongeon de haut vol

La haute voltige de Lysanne Richard

En 2013, Lysanne Richard donnait naissance à Flavie, son troisième enfant. À 32 ans et après une décennie dans le monde du cirque, sa carrière d’athlète pouvait commencer.

Dimanche soir, Lysanne Richard était à Windsor pour recevoir le titre d’athlète féminine de l’année en plongeon de haut vol au gala de la Fédération internationale de natation amateur (FINA). La Montréalaise d’origine saguenéenne a accepté les félicitations de Michael Phelps, couronné dans sa discipline et pour l’ensemble de son œuvre.

Hier matin, la lauréate s’est présentée à la rédaction de La Presse sans son prix, mais avec son mari Stéphane et deux de leurs enfants, la petite Flavie et Éli, 7 ans, qui faisait l’école buissonnière pour cette petite tournée médiatique. Louka, le grand de bientôt 15 ans, n’a pas eu ce privilège.

« Ça se combine très bien parce que mes valeurs sont à la bonne place », dit Lysanne Richard, pendant que Stéphane divertit les deux petits. 

« Ma priorité, c’est la famille, ensuite, c’est le sport. »

— Lysanne Richard

Elle n’en est pas moins ambitieuse ni performante. À sa deuxième saison complète sur un circuit international encore naissant du côté féminin, elle a d’abord remporté la Coupe du monde FINA avant de terminer deuxième au classement cumulatif des sept étapes du Red Bull Cliff Diving.

Elle s’élance de plateformes, de falaises, d’édifices ou de ponts à 20 mètres de hauteur, exécute parfois trois sauts périlleux et une vrille, avant de fendre l’eau trois secondes plus tard, pieds premiers, à quelque 80 km/h. En remontant à la surface, les compétiteurs doivent signaler à des hommes-grenouilles que tout va bien.

Un sport extrême, le plongeon de haut vol ? « Je ne considère pas que je prends des risques, précise la seule Canadienne sur le circuit international. C’est un sport risqué, oui, donc on respecte le danger. Je le fais de la façon la plus sécuritaire possible. »

Lysanne Richard a su qu’elle ferait un jour du plongeon de haut vol en assistant à un spectacle au Village Vacances Valcartier. Elle avait commencé à pratiquer le plongeon traditionnel vers l’âge de 8 ans au club Le Dauphin d’Alma avant de déménager à Québec pour s’inscrire à un programme sport-études au début du secondaire.

À 14 ans, elle faisait partie des meilleures de son âge et se mesurait à Émilie Heymans. « Prometteuse », elle a reçu une invitation pour participer aux sélections pour les Jeux olympiques d’Atlanta, mais un problème à une oreille l’a obligée à s’arrêter pendant six mois.

Elle a alors découvert l’improvisation et son côté artistique. Elle s’est inscrite à l’École nationale de cirque et a travaillé dans ce domaine pendant 10 ans. Elle a fait des spectacles avec le Cirque du Soleil, Les 7 doigts de la main, pour le Festival de jazz et plusieurs autres clients. 

« J’aimais beaucoup le jeu d’acteur, le jeu clownesque surtout, mais l’acrobatie était toujours un prétexte au personnage pour être sur scène. »

— Lysanne Richard

Spécialisée dans tous les aspects du trampoline, elle a développé sa faculté à s’orienter dans l’espace et à atterrir sur les pieds. Après une décennie dans le cirque, son « sentiment d’accomplissement était assouvi ».

Le plongeon ne l’avait jamais vraiment quittée. À 19 ans, Lysanne Richard s’est rendue à Berck, dans le nord de la France, pour participer à des spectacles. Au fond, elle voulait surtout être formée pour le haut vol. « Ça a pris une semaine et j’étais rendue en haut. C’était vraiment haut, 28 mètres, je ne savais pas à l’époque que c’était plus haut qu’ailleurs ! Ça a été le plus haut plongeon de ma vie. »

Elle a donné des spectacles à La Ronde. Quand le circuit international s’est ouvert aux femmes, le directeur technique de Plongeon Canada, Mitch Geller, lui-même ancien plongeur de haut vol, l’a contactée pour lui proposer de l’aider. Le projet a mis un an à se concrétiser, le temps qu’elle donne naissance à son troisième enfant et termine un contrat de cirque à Canada’s Wonderland.

À sa première compétition, dans un cénote de Chichén Itzá, au Mexique, elle s’est sentie nerveuse comme jamais. « Il a fallu que j’apprenne à compétitionner. Ma recette pour que ça se passe bien, c’est de voir ça comme un cirque. Dans le fond, c’est un show. Le public est content de nous voir réussir et je suis là parce que j’aime ça. »

Elle a plongé dans d’autres lieux cultes ou singuliers, comme le célèbre pont de Mostar, en Bosnie-Herzégovine, et les falaises de Polignano a Mare, en Italie, où les compétiteurs s’élancent de la terrasse d’un particulier devant des dizaines de milliers de spectateurs.

Mondiaux

D’abord formée par César Henderson au Stade olympique, elle s’entraîne désormais sur les plateformes du club CAMO au complexe sportif Claude-Robillard, avec le coach Stéphane Lapointe. Sa préparation physique a lieu à l’Institut national du sport du Québec. « Je suis convaincue que je suis celle qui s’entraîne le plus sur le circuit. »

Comme le plongeon de haut vol n’est pas une discipline olympique, Lysanne Richard ne reçoit cependant pas de financement de Sport Canada. Sans commanditaires personnels, comme toutes ses collègues féminines, les bourses de compétition ne suffisent pas à boucler son budget. « Ce n’est pas encore très payant, pas autant que les autres sports Red Bull », déplore-t-elle.

À 35 ans, Lysanne Richard se voit plonger encore longtemps. Au moins jusqu’à 42 ans, l’âge actuel de sa rivale et amie, l’Américaine Ginger Huber, qui n’a pas encore fini. « Ce qui m’intéresse actuellement dans la vie, c’est le dépassement, repousser mes limites, toujours faire mieux. »

Cinquième aux derniers Championnats du monde de Kazan, en Russie, elle ne vise donc « rien de moins que le podium », sinon une victoire, aux prochains Mondiaux qui seront présentés en plein centre-ville de Budapest l’été prochain.

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